TT ok9
« Tous les matins, je mettais mon masque d’hétéro »



Enième séance de dédicaces samedi après-midi pour Ouissem Belgacem, auteur de «Adieu ma honte». Un saut dans le passé pour celui qui était un jeune musulman, footballeur et homosexuel. Pris séparément, c’est jouable ; cumulés, ça fait trop.

 

« Jamais je n’aurais pensé que je me retrouverais un jour derrière une table de dédicaces... » Non, s’il a toujours aimé manier le crayon, le truc de Ouissem Belgacem, c’était plutôt le ballon rond. La vie a fait que depuis mai dernier et le succès rencontré par son livre « Adieu ma honte », cet ancien footballeur du FC Toulouse et de la sélection nationale tunisienne enchaîne les séances de signature à la rencontre d’un public pour lequel il adapte son discours. Non, pas son discours, mais le prisme par lequel il l’aborde. «C’est vous qui avez écrit un livre sur le foot ?» Oui, c’est lui. Alors Ouissem présente son plus beau sourire et répond aux questions : son parcours, quel poste, quel club, avec quels joueurs connus… Il répond avec bienveillance; il sait qu’à un moment ou à un autre, il pourra aborder la thématique pour laquelle il est présent au FIG.

Depuis plusieurs semaines, Ouissem Belgacem fait le buzz, comme on dit. Parce qu’il vient de briser l’omerta en dénonçant l’homophobie qui règne dans le milieu du foot. Mais c’est un gros gros raccourci de ce que l’on peut lire au fil des deux cent cinquante et quelques pages de «Adieu ma honte». Sa honte... Quelle honte ? « Etre gay dans ma communauté religieuse, dans ma famille, dans ma cité, dans mon sport ». Un poids suffisamment lourd pour lui faire arrêter une carrière prometteuse à moins de 20 ans ? « Depuis des années déjà, je mettais mon masque d’hétéro tous les matins. Je me suis demandé si j’étais prêt à vivre encore dans le mensonge pendant quinze ans, jusqu’à la fin de ma carrière professionnelle.» La réponse a été «non». « Dans un autre contexte, avec une autre religion, dans une autre communauté, j’aurais peut-être bien vécu mon homosexualité. Alors oui, c’est dur de jeter tous ses espoirs à 20 ans, mais la santé mentale n’a pas de prix. »

C’est tout cela que raconte son premier livre : l’opposition homosexualité / foot bien sûr, mais aussi spiritualité / sexualité. Et puis son ascension sociale, aussi. «Ce livre, c’est un parcours de vie, un bouquin de société.» Mais pas une thérapie. «J’avais déjà fait mon bonhomme de chemin quand j’ai commencé à l’écrire. Il n’est pas pour moi, mais pour les autres, pour ceux qui souffrent et pour ceux qui vous jugent pour quelque chose que vous n’avez pas choisi.» Les milliers de messages reçus lui prouvent majoritairement qu’il a bien fait de se mettre au clavier pour coucher son témoignage sur papier. Et puis il y en a forcément quelques autres qui grincent des dents. Qu’importe. «Adieu ma honte» va être adapté à l’écran. «Les mêmes valeurs portées sous un autre format, ça va permettre de toucher un public différent. Et c’est bien. Parce qu’on ne naît pas homophobe, on le devient. Alors il faut éduquer, éduquer, éduquer...»