L’urbex pour philosopher


« La ville-désert ? En quête d’indices »… voici l’intitulé de l’atelier géo-numérique qui m’a mis le goût à la bouche. Le principe ? S’intéresser aux friches, aux traces et aux petits riens, au vivant et au non-vivant pour, au terme d’une balade urbaine, proposer un nouvel avenir au site. Alors c’est avec mon chapeau, mon appareil photo et le soleil déodatien que je suis parti en compagnie des festivaliers amateurs d’exploration urbaine.

Sur un parking abandonné, Julien Bachmann, doctorant en géographie, et Sylvie Joublot-Ferré, professeur agrégée et chercheuse en géographie, expliquent aux passionnés le programme qui les attend. Ils viennent de Celles-sur-Plaine, Munster ou des côtes bretonnes. Comme eux, je prends des notes sur la technique d’enquête en milieu délabré : dans un premier temps, dans la chaleur du Salon Géo-Numérique, ils vont devoir investiguer en cherchant des informations sur le lieu ; ensuite ils devront faire une « marche urbaine », essentielle dans un travail de recherche sur les friches ; pour finir ils devront être créatifs et s’armer de leur imagination pour dessiner au crayon, sur une carte, les hypothétiques bâtiments qui pourraient s’y trouver.

Sylvia, infirmière à la retraite, est en train de cogiter devant sa feuille : « J’imagine bien des jardins familiaux ici, ce serait plus convivial ». C’est vrai que l’amas de gravat n’est guère séduisant ! Après 15 minutes de fouille et de griffonnage, Sylvia et les autres baroudeurs de l’atelier rassemblent leurs fiches et s’en vont vers l’usine de textile à l’abandon.

Une approche plus profonde

Des lieux à la merci du chaos pour trois jours, mais comment trouver cela en plein cœur de Saint-Dié-des-Vosges ? Un savant mélange d’anciennes et de nouvelles techniques d’approche géographique : le géo-numérique. La grande aide des satellites pour repérer ce que les experts des cartes nomment « zones blanches », là où le doute subsiste et demande une vérification en personne. Ils reprennent d’anciennes cartes et comparent les données. Enfin, en amoureux du terrain qu’ils sont, ils finissent par partir sur place et s’émerveillent toujours des découvertes inédites.

C’est également un savant mélange philosophique. Les professionnels du domaine géographique font appel à la psychogéographie, ou plus simplement l’impact précis du milieu de vie sur le comportement humain. Ces spots d’exploration urbaine doivent être plus qu’un symbole d’abandon ou de désolation, ils ont plusieurs vies. Celle active, durant leurs belles années de labeur et à présent une surcouche de nature, d’oxydation, symptomatique d’une ère nouvelle. A la manière des couches de sable dans le désert, l’une ne remplace pas l’autre, elle la complète.

La ville désert en quête dindices 30 09 2022