Appel à contribution


Choisir le thème du « Corps » pour la prochaine édition du FIG, c’est rappeler l’importance des corps dans les rapports individuels et collectifs aux espaces géographiques que nous pratiquons. D’une part, c’est en utilisant nos cinq sens que nous percevons, pratiquons, ou que nous nous représentons les réalités qui nous entourent et la distance qui les sépare ; parfois avec certains  sens  plutôt  que  d’autres,en  particulier quand l’un d’eux fait défaut. Nos expériences des espaces sont en effet des expériences sensorielles  subjectives en prise avec la matérialité du monde. D’autre part, nos caractéristiques physiques visibles ou supposées déterminent en grande  partie nos pratiques spatiales, les places que nous occupons et celles qui nous sont assignées.

 

La question de la spatialité des corps est en premier lieu une question de légitimité à prendre place dans un espace. Quelles personnes ont le droit d’aller et venir dans l’espace public sans y être inquiétées ni subir de rappel à l’ordre ? Lesquelles s’y sentent dé-placées ou indésirables ? Et du fait de quels aménagements ? Quelles personnes ont la possibilité physique de s’y mouvoir et lesquelles y sont handicapées ? Lesquelles encore ont accès à un espace privé et intime ? Qui a le droit d’effectivement « disposer de son corps », du produit de sa force de travail, et de choisir sa sexualité ? Quels corps ont leur place dans l’espace médiatique, quels corps y sont au contraire invisibilisés ? Lesquels encore n’accèdent à la visibilité qu’à condition de perdre leur subjectivité et d’être cantonnés au statut d’objets ?

La question du corps en géographie, c’est aussi celle des pratiques sportives ou culturelles, de l’alimentation, de l’hygiène, et – ce que le coronavirus rend impossible à oublier – de la santé, avec la distanciation des corps imposée par les mesures sanitaires ou l’effacement des corps dans l’espace public lors des périodes de confinement. La place des corps dans les espaces numériques fera également partie des questions soulevées lors du festival.

Étudier la place occupée par les corps, c’est interroger la manière dont les rapports sociaux s’incarnent et se spatialisent. C’est examiner la manière dont certains attributs corporels sont sélectionnés et chargés de sens dans le cadre d’un rapport de pouvoir, de manière à le cristalliser et à le naturaliser (donc à le reconduire). C’est questionner les normes qui facilitent ou contraignent les pratiques spatiales : jusqu’à donner le droit auxfemmes victimes de violences conjugales de disposer d’un espace privé ; ou encore, celui de fréquenter un espace public sans y risquer sa vie lorsque l’on est un homme identifié comme noir, ce qu’a brutalement rappelé l’assassinat de George Floyd aux Etats-Unis. La distinction entre espace privé et espace public, son importance cruciale pour le fonctionnement de l’État et son interprétation à l’échelle transnationale doivent être questionnées. En proposant de consacrer les trois jours du festival au « corps », nous avons voulu donner la parole aux géographes sur la spatialité des dominations : de race, de genre et de sexualité, mais aussi d’âge ou de handicap ; et la classe n’est pas en reste, si l’on pense à l’habit ou au poids.

Le corps est en même temps un lieu de résistance, de refus non verbal d’une place assignée à la naissance. Or, la norme a cette rigidité qui rend la dissidence possible de mille manières. Transformation du corps, modification de l’habit, changement dans la manière de se tenir et de se présenter aux autres et affirmation fière des corps stigmatisés sont tout autant de façons possibles de redistribuer les cartes pour jouer selon les règles de l’adversaire avec plus d’atouts dans sa manche, ou même pour inventer de nouvelles règles du jeu. Nous voulons mettre l’émancipation au cœur du festival pour que l’expression de la diversité des corps ne se réduise pas à une exotisation. Nous voulons célébrer les formes individuelles d’émancipation tout en réfléchissant aux formes d’aménagement de l’espace qui permettent une émancipation collective.

La question du corps contraint certes la géographie à sortir de sa zone de confort scalaire en donnant la part belle aux échelles micros, mais elle ne s’y limite pas pour autant. Les différences de législations et de politiques publiques qu’élaborent les États sur les questions liées au corps – qu’on pense par exemple aux droits reproductifs, aux politiques sexuelles, aux moyens engagés dans la lutte contre les discriminations ou au contraire à l’organisation publique d’un régime raciste et / ou (cis)sexiste – ont des répercussions géopolitiques et provoquent des flux migratoires qui s’inscrivent dans les dynamiques de la mondialisation. À une échelle méso, l’agencement spatial des villes post-apartheid et post- coloniales montre que les discriminations fondées notamment sur des attributs corporels organisent l’espace. Des contributions qui proposeront une mise en perspective historique de ces différents rapports entre le·s corps et l’espace seront les bienvenues.

Corps, géographie et pédagogie

Au cours de cette édition du FIG, une importance particulière sera donnée aux questions pédagogiques. D’abord pour que soient partagés et inventés des outils de transmission des savoirs permettant d’aborder la question du corps et des rapports sociaux de domination en géographie, dans l’enseignement supérieur comme secondaire. Mais également pour que soient soulevées des questions peu abordées habituellement.

Comment le corps de l’enseignant·e et celui des élèves entrent-ils en jeu dans l’apprentissage de la géographie ? Comment les mobiliser pour transmettre des savoirs et les co-construire spécifiquement dans cette discipline ? Comment prendre en compte et valoriser le fait que nos corps, nos perceptions et nos émotions affectent nos manières de comprendre l’espace ? Et plus généralement : de quelle place dispose l’enseignant·e – dans la salle de cours, dans l’établissement ? Quelle place lui assigne-t-on ? Quelles discriminations et quels rappels à l’ordre subit-elle ? Quelles places occupent les élèves - garçons et filles - dans la classe ou dans la cour ? Et pourquoi l’Etat se mêle-t-il des tenues des collégiennes et des lycéennes ?

Des propositions diverses, pour un public varié

Le festival n’est pas un événement scientifique ordinaire : plus de 150 événements seront organisés sur trois jours dans tout Saint-Dié et dans certaines villes voisines, sous différents formats. Ils se répartissent en trois grandes catégories (vous devrez inscrire votre proposition dans l’une d’elles) :

  • tables rondes, conférences plénières, cafés géo et présentations de thèse, etc. ;
  • ateliers (cf. infra) ;
  • sorties de terrain à Saint-Dié ou aux alentours.



Le public du festival est composé à la fois de chercheur·ses confirmé·es et d’autres encore en herbe, d’étudiant·es et d’élèves de tous niveaux, d’habitant·es de la région et de passionné·es de géographie venu·es de loin, ou encore d’enseignant·es du secondaire en recherche d’outils et de contenus pédagogiques.


Cette diversité du public favorise une grande variété de formats de communications : les interventions portant sur la recherche la plus récente seront acceptées au même titre que des présentations abordant une question de manière plus transversale, par exemple en présentant le parcours scientifique d’un·e chercheur·se (le sien ou celui d’un·e autre). Des propositions d’ateliers sont également bienvenues – en particulier ceux qui mettent au centre le corps des participant·es, soit spécifiquement à destination des enseignant·es pour permettre l’expérimentation de pratiques pédagogiques, soit à destination d’un public plus large : observation de photos ou de documents, productions graphiques ou cartographiques, visites de terrain, observations in situ, écoutes collectives, débats mouvants, arpentages de textes, toutes les possibilités sont à explorer.

 

Les propositions doivent être soumises via ce formulaire en ligne :
CLIQUEZ ICI POUR ACCEDER AU FORMULAIRE

Elles sont attendues pour le jeudi 7 janvier 2021 au plus tard.

Elles devront être comprises entre 500 et 800 mots.

A très bientôt à Saint-Dié-des-Vosges !




Marion Tillous, directrice scientifique du FIG 2021,
avec les membres du comité d’appui et de conseil à la programmation :
Milan Bonté, Claire Hancock, Myriam Houssay-Holzschuch, Noémie Rapegno, Djemila Zeneidi
Thibaut Sardier, président de l’Association pour le développement du FIG
Victoria Kapps, directrice du FIG
Sarah Polacci, programmatrice littéraire du FIG