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La forêt du XXIIe siècle se prépare aujourd’hui…

Les forêts du massif des Vosges sont en souffrance, victimes (elles-aussi) d’une crise sanitaire majeure. Le mal s’appelle évolution du climat, sécheresse, insectes invasifs…

La conséquence, c’est la mort, selon les estimations, d’un arbre sur dix en trois ans, rien qu’à l’échelle de notre département. Vingt ans après le passage de Lothar, cette tempête qui a dévasté 10 millions de m3 de nos bois en une journée (1999), les forêts sont à nouveau frappées de plein fouet.

Partout, c’est la foire aux superlatifs, c’est la course à la formule choc. «Sécheresse : ça sent le sapin» ; «Quand les Vosges flamberont comme une torche australienne», «La tempête silencieuse et pernicieuse»… A l’évocation de ces expressions par l’animateur Damien Bessot, ils tiquent, les trois invités de la table ronde consacrée à l’avenir des forêts vosgiennes… Ils tiquent parce que ces formules toutes-faites négligent la nuance et font fi des nombreuses incertitudes.

La nuance : ça n’est pas la globalité des forêts du massif vosgien qui souffre. Ce sont essentiellement les sapins et les épicéas, plantations monospécifiques. Et ça n’est pas le fait que des arbres meurent qui inquiète, c’est la récurrence du phénomène dont ils sont les victimes. «Le sapin, le hêtre, le chêne ou l’épicéa sont des arbres qui normalement résistent bien à la sécheresse ou à la canicule. Mais pas aux deux cumulés trois années de suite. C’est inédit sur un cycle aussi court, qui ne laisse pas le temps à la nature de s’adapter».

L’adaptation. Rodolphe Pierrat, adjoint au directeur territorial Grand Est de l’ONF, vient de mettre le doigt sur l’une des deux grosses incertitudes. La première, c’est l’évolution météorologique sur le massif, comme le confirme Jean Poirot, administrateur de Lorraine Nature Environnement. «On ne sait pas ce qu’il va se passer.» Le constat, c’est que l’on enregistre une hausse de la température d’un degré par rapport aux années 70 et la plantation des épicéas. «Jusqu’en 2050, on devrait prendre encore un ou deux degrés», confirme Rodolphe Pierrat. Ensuite ? Mystère. Même si le scenario le plus pessimiste annonce une augmentation pouvant aller jusqu’à 7° d’ici 2100. Certes, ça n’est pas la première évolution climatique que la Terre ait comptée et la nature, par sa capacité d’adaptation, a toujours survécu. Mais jamais encore le processus ne s’était enclenché aussi rapidement et l’on ne sait si le végétal est capable de se réinventer dans un délai aussi court que quelques décennies. C’est la deuxième incertitude.

Planter sans se planter

Deux incertitudes desquelles naît l’inquiétude. «On a raison de s’inquiéter, souligne Raphaël Larrère, ingénieur agronome et sociologue. Mais on s’inquiète de façon excessive. Le temps de l’homme n’est pas le même que celui de la forêt. La forêt est le règne du temps long.» Sauf que si l’on veut aller ramasser encore les cèpes sous les épicéas, il faut préserver l’espèce. Ou envisager la plantation d’autres. Le consensus se fait sur la nécessité de donner sa chance à la nature, de croire en son adaptation, en son acclimatation. C’est la pleine-naturalité. Les avis des uns et des autres divergent en revanche sur la notion de plantations. Pour l’ONF, expérimenter des espèces exotiques est tentant ; LNE est beaucoup plus frileux à l’idée, et craint que l’on ne retombe dans ces erreurs «qui sont à l’origine de la situation que l’on vit aujourd’hui». Ilots de vieillissement, îlots de senescence, îlots d’avenir sont des pistes à suivre. Reste à savoir à quelle échelle, quelle proportion sur le massif. L’État vient de débloquer une enveloppe de 200 millions d’euros pour le Plan de Relance de la forêt (plantation et adaptation de la gestion). C’est bien, mais ça oblige à réfléchir trop rapidement et à court terme, selon Jean Poirot. «C’est maintenant que l’on doit préparer la forêt de 2100», lui répond Rodolphe Pierrat. Raphaël Larrère, quant à lui, attire juste leur attention sur la dominante économique d’une gestion multifonctionnelle...